Sais-tu que tu es née d'un accouchement naturel, petite Mo ? A la maison, sans anesthésie. Ta mère, cette gentille bonne femme, a du faire appel à sa femme de ménage pour l'aider à accoucher. C'est que, la pauvre, elle vivait seule. Pas d'époux, pas de père pour son enfant. Il n'empêche qu'elle te chérissait plus que tout au monde. Vous viviez dans la montagne, à l'époque : à la neige. Oh, comme tu étais heureuse ! Tu l'es toujours aujourd'hui, lorsque tu relates tes souvenirs, mais cette époque était sans doute la meilleure. Seulement, rien n'est jamais parfait, vois-tu. Ta mère fut bien vite prise d'une maladie incurable, et mourut peu après ton cinquième anniversaire. Tu t'en souviens, n'est-ce pas, petite Mo ? Tu te souviens aussi de tes pleurs, de tes cris à en déchirer les tympans. Jamais, Ô grand jamais tu n'as voulu accepter la vérité. Tu t'es emparée de l'écharpe que ta mère avait autour du cou, sur son lit de mort, et t'es juré de toujours l'avoir auprès de toi. Il va sans dire que tu as tenu parole. Dans ta main se tenait aussi le chèque qu'elle te léguait, soit deux cent trente-six mille mille yens. Ensuite, tu t'es enfuie. Tu as couru, couru, couru... jusqu'à ce que tu n'en puisses plus. A cette époque de l'année, la neige t'arrivait jusqu'aux genoux. Tu t'es effondrée dedans. Au fond, tu n'avais qu'une seule envie : rejoindre ta mère chérie. Enfant déjà, tu étais spéciale. Refuser la vérité, mais accepter la mort ; telle était ta décision. Seulement, je suis arrivé. Au beau milieu des cris, des pleurs et des lamentations, j'étais là, en débardeur jean. Tu t'es sans doute demandé, à cet instant, pourquoi je portais de si légers vêtements, et la raison pour laquelle je ne souffrais pas du froid, c'est parce qu'il ne m'atteignait pas. Tu m'as imaginé, petite Mo. Je t'accompagnais dans la solitude, j'étais là pour toi. Alors que tu étais seule, je suis venu à toi. Lorsque que tu as vu un flocon de neige traverser mon corps, le seul mot qui vint à ta bouche fut : "Fuyu..." (***voir notes). Puis tu m'as regardé, tes grands yeux bruns n'exprimant que tristesse et curiosité. Tu m'as donné mon nom. Fuyu. A partir de ce jour, j'ai commencé à vivre avec toi. Lorsque tu es retournée au village, je te tenais par la main, en guise d'encouragement. Mais tu as bientôt été mise à l'écart des autres, et tous deux en connaissons la raison : tu étais la seule à me voir. La bonne de ta mère, qui avait de toi la responsabilité, t'emmena bien vite dans un hôpital pour te faire soigner. Mais tu n'étais pas malade, après tout. Tu faisais juste preuve d'un peu d'imagination. Mais allons, qui pourrait croire ces mots sortant de la bouche d'une fillette de cinq ans ? Non, non... C'est pour cela que tu fus placée dans un orphelinat jusqu'à tes seize ans. A ce moment là, tu décida de quitter l'environnement stricte pour en trouver un plus calme, plus serein, dans une école libre (****voir notes). Pendant quatre ans tu étudias ici, a ton rythme, sans être constamment pressée par les autres. Et pendant ces quatre ans, tu t'épanouis tranquillement, mais différemment des autres. On te fit maintes déclarations amoureuses, des centaines de propositions d'établissement scolaire, mais à chaque fois ta réponse était la même : non. Toujours avec ce petit sourire triste, mélancolique. Au fond de toi, tu préférais être seule. Seule avec moi. Tu découvris la joie qui procurait le RPG, en essayant de te faire passer pour quelqu'un d'autre, sans toutefois trop y arriver. Tu es trop attachée à ton passée et à tes souvenirs, petite Mo. Et c'est aussi à cette époque que tes crises d'amnésie commencèrent. Au bout d'un moment, tu décida d'accepter l'une des propositions d'établissement scolaire que l'on t'envoyais chaque mois. Tu allas malgré toi t'inscrire à l'internat Shadows, à l'âge de dix-neuf ans, en prenant un appartement juste à côté de ce dernier. Tu restes cependant une personne solitaire, petite Mo. Mais tout, te dis-je, tout chez toi respire la tristesse et la mélancolie d'une personne non crédible, qui pourtant dit la vérité. La vérité...